Pour ce premier
bâtiment des trois édifices qui composeront à terme
la reconstruction du Collège Giroud de Villette à Clamecy,
nous voulions une construction claire, simple, lisible et même
pédagogique à souhait. On ne sait jamais, ce serait peut être
le lieu où, par moments entre toutes disciplines… les élèves
pourraient modestement commencer à découvrir un peu d'architecture.
A découvrir entre autres choses qu'en ce domaine les filiations
sont importantes sans être une affaire de style, que la sincérité sans
artifice est nécessairement de mise, que la prise de site est
primordiale, que les données techniques ont toujours raisons
et enfin qu'on ne peut évidemment s'abstenir
de raconter une histoire lorsqu'on construit.
Face à la vallée de l'Yonne,
tout est ici question d'ambiance, d'espace, de vues, de
lumière, de mouvements… et de tuyaux ! Il fallait
bien imaginer sans rien laisser paraître, au creux d'un
dénivelé, un bâtiment. On devrait dire des bâtiments
puisqu'il faut adjoindre à la demi-pension l'atelier et
le bureau du factotum.
Il fallut tout d'abord constituer
un socle à ces édifices parce qu'une première
plateforme arasée au niveau de la rue était nécessaire à l'accessibilité des
camions de livraisons (des plateaux repas) et qu'une deuxième
légèrement en contrebas de la première était également
nécessaire à la
constitution d'un sol parfaitement plan aux locaux de la demi-pension
situés de plain-pied avec la cour du collège.
Il fallut aussi, parce qu'on habite à l'entour
dans des immeubles qui surplombent largement le site, offrir une toiture
impeccable avec juste ce qu'il faut. Affirmer une architecture vue
du ciel.
Les coteaux non constructibles du versant nord de la vallée offrent une vue, un cadre magnifique à ceux qui veulent voir. Pas de mitage, juste des arbres et arbustes à profusion, un comble pour une ville qui fut jadis un port fluvial consacré au flottage des bois, on devait déboiser ailleurs.
Une grande fenêtre sur cette vue
devrait suffire. On ne peut s'empêcher de penser à Berthold
Lubetkin, formidable architecte des temps héroïques, qui
avait voulu pour la façade de son premier immeuble d'habitation
qu'il construisit rue de Versailles à Paris une seule fenêtre
par niveau aussi large que le bâtiment.
Plein sud, sur son socle, le bâtiment
de demi pension étire
au fond d'une galerie sur toute sa longueur une large baie vitrée
bien abritée des ensoleillements. Bien que les dimensions de cette
unique fenêtre soient grandes, elle ne pouvait suffire à elle
seule à apporter toute la lumière nécessaire dans
la salle à manger.
Il fallait en quelque sorte compléter
le dispositif autant pour des questions de lumière que pour
des questions de silhouette. Aussi un ensemble de cinq sheds apporte
dans la salle à manger une lumière complémentaire,
homogène, douce et également répartie dans le
volume. L'ensemble des sheds organisé et dissimulé derrière
des palissades de bois formant attique couronne le bâtiment en
lui donnant son caractère. Mais la linéarité du
bâtiment en demandait encore plus. C'est pourquoi la cheminée
de la chaufferie et le local de ventilation bien mis en évidence
et en contrepoint de l'attique servent à souligner plus
encore la simplicité voulue
de l'organisation architecturale.
Si coté cour la galerie rythmée
par ses pilastres se retourne pour abriter des intempéries les élèves
qui font sagement la queue devant l'entrée, les deux autres cotés
du bâtiment offrent des façades plus solides parce que peu
percées.
On se voulait pédagogique, la
mise en ordre volumétrique
va donc de pair avec l'ordre fonctionnel. Il en serait aussi de même
avec l'ordre structurel qui ne peut se comprendre sans les matériaux
et le traitement des ambiances.
Partir du sol. Un bâtiment ne
serait que l'émergence d'un terrain à la
rencontre du ciel. Pour s'en
convaincre une nouvelle visite au Mont Saint Michel s'imposerait. La
demi-pension du collège de Clamecy n'échappe pas à cette
règle. Partir du bas et finir en haut, ici le béton, le
bois et les enduits de chaux nous aident à matérialiser
cette émergence.
Pour ancrer avec nuance notre édifice
dans le dénivelé que j'appelais la « prairie » le
bâtiment commence coté sud par de robustes murs de soutènement
en béton brut matricé.
Il y aurait eu des rochers que cela aurait tout simplement suffit,
seulement il n'y en avait pas.
A partir de ce socle le bâtiment
trouve son ordre de murs, de poteaux et de linteaux. Chaque fenêtre
ou arcade est surlignée d'un appui et d'un béquet
exprimant la présence d'un linteau parfois cannelé,
tous deux en béton brut. Les poteaux de la galerie ainsi que
les murs sont revêtus d'un enduit de chaux, parce que le
grain est nécessaire au monolithe pour le rendre moins violent.
Les bases des maçonneries sont également revêtues
de terre cuite de couleur noire, ultime référence aux évidences,
il faut bien protéger
les enduits de l'humidité et des salissures, ou référence
cultivée qui rappelle les architectures modernes des avant-gardistes
qui font toujours notre délice et notre admiration. Les maisons
de maîtres du Bauhaus de Dessau sont encore dans tous les esprits.
Les fenêtres en niangon offrent
de bonnes sections de bois. Pour plus de légèreté,
il faut parfois savoir, comble d'ironie, être imperceptiblement
solide.
A l'intérieur, dix grandes
poutres en bois inclinées franchissent l'espace. Il faut
bien une grande salle pour accueillir en même temps 250 élèves à déjeuner.
Constituées de lits de planches croisées et légèrement
espacées, elles sont à la fois parois des sheds et panneaux
de correction acoustique. Quatre robustes poteaux en bois légèrement
décalés des angles - fluidité de l'espace
oblige - soutiennent l'ensemble du dispositif structurel central.
On se souvient à New Canaan que Mies Van Der Rohe n'avait
pas voulu rester un instant de plus dans la « Glass House » de
Philip Johnson parce qu'il avait mis des poteaux de structure de sa
maison dans les angles vitrés de son bâtiment. Donc à éviter !
Pas de dépense luxueuse non plus, sol en béton coloré, plaques de plâtre, peinture et carrelage sur les murs.
De part et d'autre de l'attique
pas de toiture terrasse mais une vraie toiture de zinc constituée
d'un ondoiement de petits versants. L'ondulation
du vallon et des collines n'est pas loin.
Et les tuyaux ? Il y en a partout.
Les réseaux EU, EV, EP et de ventilation, serpentent dans le
vide sanitaire du socle et dans les épaisseurs des cloisons.
Les chutes EP de la toiture descendent dans les poteaux. Les centrales
prennent place dans l'édicule en toiture, etc... Tout
ne serait qu'ordre structurel et technique ? Certainement
mais, sans rien de visible, rester simplement dans les évidences
et le rapport entre les choses et dans ce qu'il y a de plus remarquable
dans toute chose.
Le sol et le plafond de la galerie ainsi
que les gardes corps déclinent
des parements de bois. On ne pouvait pas faire autrement avec d'autres
matériaux. Parce que les flotteurs de bois sont encore présents.
Leur statue de bronze fièrement arrimée au parapet du
pont de pierre de la ville témoigne de leur passage à Clamecy.
Enfin qu'y aurait-il à retenir aussi, à y regarder
de plus près le factotum, pas dans ce qu'il aurait de magistral,
il n'y a presque rien : un socle orné de bossages et
une simple ligne de couronnent en béton brut enserrant le grain
immaculé d'un enduit de façade. Une fenêtre
ne laissant entrevoir que sa lisse basse, une porte en lames de bois
massif, etc... Mais dans ce presque rien, il y a tout.
« Il est nécessaire
de jouir des choses là où elles cessent presque d'être
en leur principe, là où une si grande partie de leur
superficialité a disparu qu’'il n’'en reste plus
que le noyau , ce qu'il y a de plus remarquable dans
toute chose » Alejandro de la Sota.
Fait à Paris, le 30 août 2007
Benoît Crépet
Architecte d.p.l.g. / Urbaniste d.i.u.u.p.
Maître Assistant à ENSAL |